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Le Monde:Marathon sur glace sur le lac Baïkal

Europe

Marathon sur glace sur le lac Baïkal

Quelque 200 coureurs intrépides profiteront de l’hiver, dimanche 6 mars, pour courir sur la surface gelée de la plus grande réserve d’eau douce au monde.

Le Monde.fr | 02.03.2016 à 13h51 • Mis à jour le 06.03.2016 à 17h31 |Par Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)

 

Lettre de Moscou. Courir au-dessus de 1 637 mètres de profondeur d’eau recouverte d’une couche de glace d’au moins 1,20 mètre se mérite. Il ne faut pas seulement choisir avec soin son équipement et ses chaussures – paire de chaussures de trail, crantées ou à pointes d’acier ? – et se préparer à affronter des températures polaires, il faut d’abord rejoindre Irkoutsk, avant de participer, dimanche 6 mars, à la douzième édition du marathon organisé sur le lac Baïkal. Cette année encore, quelque 200 coureurs intrépides de vingt-six nationalités différentes vont rejoindre cette ville de Sibérie orientale, située à plus de 5 000 kilomètres de Moscou, dans le sud-est de la Russie. Comptez cinq heures de décalage horaire depuis la capitale.

La région, dirigée par le dernier gouverneur communiste du pays, élu au détriment du candidat du parti du pouvoir, Russie unie, attire des touristes de plus en plus nombreux, suivant ainsi une tendance générale. Après le brusque coup d’arrêt de 2014, année marquée par l’annexion de la Crimée et le développement du conflit meurtrier dans l’est de l’Ukraine, le tourisme repart à la hausse en Russie, et les professionnels du secteur s’attendent même à une augmentation de 30 % des fréquentations cet été. La chute du rouble, entraînée par celle du prix du pétrole, rend les tarifs attractifs.

Certes, Moscou et Saint-Pétersbourg restent les deux premières destinations privilégiées, mais Irkoutsk séduit un nombre grandissant de visiteurs grâce à son joyau : le lac Baïkal. Inscrit en 1996 au Patrimoine de l’humanité pour sa richesse écologique, le lac le plus profond du monde, la plus grande réserve d’eau douce à la surface de la planète – 260 fois le lac Léman –, était considéré par ses premiers habitants, des Bouriates d’origine mongole, comme une mer sacrée. Prisé en été pour ses plages et pour les randonnées possibles à proximité, il se transforme en hiver en gigantesque patinoire sur plus de 600 kilomètres de long et près de 80 kilomètres de large. Sa transparence est unique. Lorsque le soleil brille, à travers la glace bleue, le voyageur, tel Moïse, a tout simplement l’impression de marcher sur les eaux, 1 600 mètres d’abîme par endroits sous la semelle.

Larges fissures

Pour les coureurs du marathon, l’épreuve est rude. Organisé sur 42,2 kilomètres (21 kilomètres pour le semi-marathon) depuis les berges de Tanhoi jusqu’à celles de Listvianka, il nécessite une bonne condition physique et psychologique. Dans ce paysage marmoréen, les températures peuvent descendre jusqu’à – 30 °C, et l’on se retrouve parfois seul avec, pour unique horizon, une surface plane et blanche et, dans les oreilles, un concert de craquements de glace. « Chaque année, le parcours est différent, car tout dépend de la météo, explique Alexeï Nikiforov, directeur d’Absolute Siberia, la compagnie organisatrice de la compétition. L’année dernière, nous avons eu quatre vents différents qui nous ont amenés à modifier le trajet en cours de route. » Et, à cette période de l’année, la bise se transforme vite en glaçon et la transpiration en corset réfrigéré. Deux courants d’air sont particulièrement redoutés, le vent sibérien local, le khius et surtout l’angara, du nom de la rivière éponyme, la seule qui sort du Baïkal.

Comme une vingtaine de Français séduits par cette compétition méconnue, Sabrina Lakel se prépare. Cette jeune femme de 32 ans, expatriée à Moscou où elle travaille pour une entreprise de logistique, a décidé de se mettre sur la ligne du départ. « J’aime bien faire des choses hors du commun, après je voudrais tenter le marathon sur la Grande Muraille de Chine », dit-elle. Depuis des mois, Sabrina s’habitue à courir par toutes les températures dans les parcs enneigés de la capitale et s’en réjouit. « Il y a six ans, quand je suis arrivée ici, il n’y avait quasiment rien dans ce domaine, mais, depuis deux ans, ça s’est développé incroyablement et on trouve des tas de sites Internet qui organisent des courses de nuit, en musique… »

Sur le lac, le parcours est certes damé, mais les secouristes veillent. De larges fissures peuvent apparaître, atteignant parfois jusqu’à huit kilomètres de long selon les spécialistes. Et pas question de traîner : la durée est limitée à six heures pour le marathon, quatre pour le semi. Au-delà, tout coureur, qu’il ait achevé le parcours ou non, sera récupéré par une moto-neige, ou un aéroglisseur. Moyennant 1 235 euros – l’inscription au marathon coûte 545 euros –, une petite semaine de préparation est proposée aux moins aguerris, sauna dans un igloo compris. Une partie de l’argent ainsi récolté est reversée aux associations écologistes qui luttent pour préserver la « perle de Sibérie » sérieusement menacée par la pollution. Cette année, la compétition servira à financer la plantation de nouveaux arbres, après la disparition de certains spécimens lors des terribles incendies qui ont encerclé le Baïkal à l’été 2015.

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 Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante) 
Correspondante à Moscou

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L'Obs

Sur le lac Baïkal, un marathon de froid, de glace et de neige

Sur le lac Baïkal, un marathon de froid, de glace et de neige
Cyril, dossard n° 61 (Anaïs Dreesen)artager ce contenu
 

Un ciel azur et un soleil qui se reflète sur cette immense étendue de glace. Malgré un thermomètre qui affichait samedi dernier -15°C sur les bords du lac, les conditions météorologiques étaient clémentes et favorables aux près de 130 participants du marathon du Baïkal (marathon et semi-marathon).

Pour cette 8ème édition, 8 Français ont enfilé, dès 10 heures le matin, leur dossard pour figurer sur la ligne de départ située à Listvyanka, à une soixantaine de kilomètres au sud d'Irkoutsk.

Pour rejoindre Tanhoy, un village de la rive sud-est du lac, les marathoniens ont dû certes résister au froid mais ils ont surtout dû rester vigilants face au parcours accidenté sur lequel ils couraient. La surface du lac, blanche à perte de vue, est loin d'être lisse à cause de la grande mobilité des plaques de glace.

Je n'étais pas habitué à courir sur la glace, explique Cyril, l'un des participants. C'est comme courir sur une patinoire".

Ce Français de 33 ans resté très concentré tout au long de l'épreuve, a dû modifier sa foulée habituelle afin d'éviter la chute, et cela malgré les chaînes qu'ils portaient à ses chaussures.

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Le reste de son équipement était tout aussi approprié : des guêtres pour ne pas que la poudreuse s'immisce et mouille ses chaussettes, 2 couches de collants, 3 épaisseurs de hauts en matières techniques, un blouson, des gants, un cache-nez de haute-montagne, un bonnet et des lunettes de soleil.

Pour sa première participation à cette course peu ordinaire, ce jeune sportif a parcouru les fameux 42,2 km en 4h21, soit dix minutes de moins que l'objectif qu'il s'était fixé avec Jérôme, son complice, avec qui il s'entraîne depuis plusieurs mois. C'est d'ailleurs main dans la main que les deux coureurs ont franchi la ligne d'arrivée.

Un peu avant, un autre Français de 62 ans déjà habitué des courses au Pôle Nord, s'était imposé en 3h45.

Mais au-delà du défi et de l'exploit sportif, le goût de l'aventure pimente également le voyage.

Pendant la course, il y a des moments où l'on regardait le paysage et on en avait plein les yeux", raconte Cyril, heureux d'avoir partagé ce moment là avec sa femme, venue l'encourager.

Colombe Prins, à lire aussi sur Rue89 Sport