Des participants triés sur le volet
Pour ceux qui ne sauraient pas situer Irkoutsk, cette ville est en Sibérie orientale, au nord de la Mongolie. Pour les férus d'aventure et des romans de Jules Verne, c'est là que le courrier du tsar Michel Strogoff, parti de Moscou, devait se rendre pour avertir la garnison cosaque de l'arrivée de hordes tartares. Irkoutsk, c'est aussi là qu'étaient envoyés les opposants au régime pour exploiter les gisements de fer, les fameux goulags.
Irkoutsk, cette capitale de Sibérie orientale, c'est donc le point de départ de l'odyssée de Samuel Hombrouck, après plus de douze heures d'avion depuis Paris - cinq pour rallier Moscou puis encore sept pour effectuer les 5.000 km séparant la capitale russe des rives de l'Angara.
« Nous avons passé deux jours à Irkoutsk afin de s'adapter au climat et aussi au décalage horaire, avant de rejoindre le lac Baïkal, situé à 70 km », raconte Samuel Hombrouck, parti avec deux amis marathoniens pour effectuer ce raid un peu fou, celui de courir sur une étendue glacée par des températures quasi polaires. Pour s'inscrire à ce marathon sibérien, il faut montrer - comme les ours qui pullulent dans cette contrée parfois hostile - patte blanche. « Il faut avoir un cursus de marathonien pour venir ici. Lors de notre première inscription en 2017, on avait été recalé. Pourtant, j'avais fait plusieurs marathons de Paris et j'avais aussi couru la CCC (Coumayeur-Champex-Chamonix), une course de montagne de 100 bornes de l'Ultra-Trail du Mont-Blanc. »
Finalement, Samuel Hombrouck et ses deux compères ont obtenu leur visa pour le lac Baïkal après avoir ajouté à leur CV les 175 km de l'Ultra Marin du Morbihan. Les trois raiders ont rejoint la short list des participants à ce marathon glacé : le 7 mars, ils n'étaient que 123 au départ de cette 14 e édition.
Dans le blizzard par -35°C
Le nombre est restreint en raison déjà du coût d'inscription - 900 euros le dossard plus l'hébergement, auxquels il faut rajouter le billet d'avion soit une enveloppe d'environ 2.000 ¤ - mais aussi des conditions météos extrêmes, comme le raconte Samuel. « En 2017, un concurrent a trouvé la mort sur cette épreuve. Il est décédé d'hypothermie. Les accidents ne sont pas rares. Et cette année encore, certains marathoniens ont fini aux urgences, en raison de brûlures dues au blizzard ou de membres gelés. Les conditions étaient tellement rudes que les organisateurs ont dû interrompre l'épreuve à mi-course. J'ai parcouru les 21 km en 2 h 30. J'étais un peu amer car je m'étais préparé pour effectuer les 42 km. Au départ, il faisait -20 degrés, mais au fil de la course, le vent s'est levé et la température a atteint les -35. Avec la tempête, on ne voyait pas à plus de dix mètres. » Les attardés seront récupérés par les motoneiges ou les aéroglisseurs assurant la sécurité sur le lac.
Avec les courants d'air qui sévissent dans cette région, le vent ayant ramené de la neige sur le lac, la vaste patinoire balisée s'était transformée en chemin de congères. « Avec nos chaussures cramponnées, les efforts étaient doubles. C'est comme ci on courrait dans le sable. » Si la 14 e édition n'a pu aller jusqu'à son terme, il y eut quand même un vainqueur : un Espagnol ! Cet athlète venu du chaud a remporté l'épreuve écourtée en parcourant les 21 km en 1 h 45, juste devant un Russe…
Jean-André Provost